on n’a pas le cul sorti des ronces »

LA PAIX PAR LA VÉRITÉ.

Ils disaient que la peur sauverait le monde, que le choc arrêterait les mains tremblantes, que la mort de masse aurait enfin la décence de faire taire les bavards, et pendant qu’ils parlaient, la guerre avançait masquée, portée par des phrases propres, des cartes floues, des généraux à la retraite devenus conteurs de plateau, récitant une victoire future comme on récite une prière pour ne pas voir le cercueil passer.

Alors j’ai compris que la guerre moderne ne tient pas par les canons mais par les mots, qu’elle ne progresse pas par les chars mais par les mensonges répétés, qu’elle n’a plus besoin de héros puisqu’elle a trouvé mieux : des commentateurs qui expliquent que perdre est tenir, que reculer est manœuvrer, que mourir est stratégique.

On nous dit : encore un effort, encore une livraison, encore un sacrifice, et la guerre devient une habitude, un bruit de fond, une abstraction confortable où les morts n’ont plus de visage et où la vérité est considérée comme dangereuse parce qu’elle pourrait refroidir l’enthousiasme.

Mais ce n’est pas la peur qui arrête la guerre. La peur fige, la peur durcit, la peur prépare la suivante.

Ce qui arrête la guerre, c’est le moment précis où le mensonge ne passe plus, où le récit se fissure, où l’on ose dire que l’empereur combat nu, que la ville n’est pas reprise mais broyée, que tenir ne signifie plus rien quand il n’y a plus de ligne, plus de relève, plus d’issue.

La paix ne naît pas d’un champ de ruines spectaculaire, elle naît d’un effondrement plus discret et plus radical : celui des mots creux, des experts automatiques, des vérités sous condition. Elle naît quand la guerre devient impossible à raconter sans honte, impossible à justifier sans rougir, impossible à vendre sans se trahir.

Alors seulement, quelque chose cède. Pas sous l’effet de la peur, mais sous le poids de la réalité.

Et ce jour-là, la guerre ne s’arrête pas parce qu’elle est interdite, mais parce qu’elle est devenue indéfendable.